Le 18 octobre, France Active Alsace a organisé un afterwork sur le thème de la société à mission en compagnie de quelques partenaires comme le cabinet Gestion&Stratégies, Réseau Entreprendre Alsace, Initiatives Durables, le Centre des Jeunes Dirigeants et l’ESSCA Strasbourg … Retour sur cet événement !
Qu’est-ce qu’une société à mission ?
La société à mission est une nouveauté de la Loi PACTE de 2019 et permet à une entreprise de définir clairement une raison d’être, autre que la recherche du profit, au sein des statuts de l‘entreprise et de la décliner en missions qui présentent des objectifs en termes d’impacts sociaux et environnementaux. Cette qualité permet à des entrepreneurs de s’engager et de suivre au quotidien une stratégie d’impact claire pour répondre aux enjeux des transitions.
Vincent HELFRICH, docteur en sciences économiques et directeur de recherche à l’ESSCA, a mis en lumière l’évolution de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en tant que contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Il a souligné la complexité de la RSE, l’influence des facteurs sociopolitiques, la structure des entreprises, la personnalité de leurs dirigeants et le contexte économique.
La RSE, selon Vincent, est devenue un outil stratégique pour les entreprises cherchant à avoir un impact positif sur la société. Cela se manifeste à travers des actions concrètes alignées sur les objectifs de développement durable. Il a souligné que dans un contexte de changements et de remise en question du modèle de consommation climatique capitaliste, la RSE agit également comme un outil d’influence et de positionnement politique, permettant aux entreprises de se différencier par leurs valeurs et la vertu de leur modèle économique.
Un cadre théorique, tel que la norme ISO 26000, a été établi pour guider les organisations dans leur responsabilité sociétale. Vincent Helfrich a évoqué l’importance d’évaluations telles que l’AFAQ 26000, qui débouchent sur le label qualité « Engagé RSE », mettant en lumière les efforts déployés en faveur du développement durable.
Cependant, il a souligné que le cadre théorique de la RSE, bien qu’apportant des outils de gestion et de diagnostic, ne propose pas de plan d’action concret en matière de gouvernance. Il a mis en avant l’importance de la gouvernance pour mettre en œuvre et pérenniser la contribution de l’entreprise à l’environnement et à la société, transformant ainsi l’effort RSE en un projet collectif et pérenne dépassant l’impulsion individuelle et la vision du dirigeant.
La qualité de société à mission : complémentarité et cadre formel
Vincent a souligné que la qualité de société à mission vient combler les lacunes dans la mise en œuvre de la RSE, en apportant un cadre formel et des solutions concrètes en matière de gouvernance. Il a insisté sur l’exigence d’une définition claire de la raison d’être et des missions découlant de celle-ci, ainsi que sur l’ouverture de la gouvernance aux parties prenantes de l’entreprise.
La société à mission institutionnalise la démarche de l’entreprise en inscrivant clairement la raison d’être et les missions dans les statuts. De plus, elle impose la création d’un comité de mission chargé du suivi et de la mise en œuvre des missions de l’entreprise. Les entreprises très engagées dans la RSE se tournent aujourd’hui vers la qualité de société à mission pour mieux définir le cadre de leurs efforts, les partager, et trouver une gouvernance collective efficace de leurs actions à but social ou environnemental. L’expérience de la RSE leur a permis de développer une véritable expertise sur la chaîne de valeur et d’activer une sphère d’influence dans la société.
Il a toutefois mis en garde contre les écueils potentiels. Comme en RSE, la sincérité reste le facteur clé de succès pour la mission d’une entreprise. Ce n’est pas une finalité pour toutes les entreprises de devenir une société à mission, et à ce titre une approche authentique et un engagement réel des parties prenantes est impératif pour assurer la réussite de ses objectifs.
Accompagnement des entreprises dans la transition
Christophe THIEBAUT, associé et fondateur du cabinet d’expertise-comptable Gestion&Stratégies, a partagé des insights sur l’accompagnement des entreprises dans l’obtention de la qualité de société à mission.
Cadre juridique et liberté des dirigeants
La Loi PACTE a introduit la possibilité, pour les entreprises commerciales, d’intégrer dans leurs statuts une finalité d’intérêt collectif, ouvrant la voie à la création de sociétés à mission. Cette évolution donne aux dirigeants une grande liberté pour définir une mission statutaire répondant à des défis sociaux ou environnementaux spécifiques.
Christophe a souligné que cette liberté n’est pas incompatible avec la recherche du profit, la qualité de société à mission offre ainsi une voie intermédiaire entre la RSE et l’économie sociale et solidaire (ESS). Cela permet aux entreprises avec une activité essentiellement marchande de structurer et présenter des ambitions fortes et caractérisées sur les plans sociaux, environnementaux et territoriaux.
La société à mission associe à sa raison d’être des engagements qui se traduisent par des orientations stratégiques et des objectifs opérationnels. Elle va au-delà d’une simple feuille de route, devenant une aventure quotidienne dont le pilotage doit être clair.
Le rôle de la gouvernance est crucial dans la société à mission. Il se cristallise au sein du comité de mission. Ce comité, composé de diverses parties participent de l’entreprise, joue le rôle de garde-fou et de lanceur d’alerte en cas de contradiction avec la mission. Il assure le suivi et la réalisation de la mission et présente un rapport annuel, précisant les réalisations de l’entreprise par rapport à ses ambitions sociétales et environnementales et sa performance globale.
Le contrôle est renforcé par un audit externe réalisé tous les trois ans par un « organisme tiers indépendant » (OTI). Cette démarche assure une évaluation objective de la mise en œuvre de la mission et renforce la crédibilité de l’entreprise.
Il a souligné que la mission donne des objectifs à long terme au cœur même du modèle économique de l’entreprise. Elle agit comme une boussole qui oriente les choix stratégiques, remet en question la cohérence du modèle d’affaires, et propose des espaces d’innovation et de transformation dans l’entreprise.
La concrétisation de la mission passe par des engagements concrets et une évaluation régulière. Cela implique la définition de projets, d’objectifs, d’un calendrier, de responsabilités, et la déclinaison de la mission à tous les niveaux de l’entreprise.
Christophe a souligné que la mission devient un outil concret d’aide à la décision et d’adhésion des collaborateurs au sens et à la singularité du projet de l’entreprise. En réfléchissant aux responsabilités, l’entreprise consolide un écosystème de relations solides avec ses fournisseurs, des chaînes logistiques robustes, et des clients alignés sur ses valeurs
L’accompagnement des entreprises vers la qualité de société à mission implique une compréhension profonde du cadre juridique, une mise en place rigoureuse de la gouvernance, et une intégration de la mission au cœur des choix stratégiques et des pratiques quotidiennes de l’entreprise.
Témoignages d’entrepreneurs
Lors de cette table-ronde, deux entrepreneurs, Clément CARRATO et Olivier MEYER, ont partagé leur expérience en tant que créateurs d’entreprises s’engageant activement dans des missions sociétales.
Clément CARRATO, fondateur de la société Arkéale, a partagé son parcours entrepreneurial et son désir de donner du sens à son travail. En tant que jeune entrepreneur, il a exprimé son désenchantement vis-à-vis de ses débuts au sein de grands groupes d’ingénierie, où la division du travail ne permettait pas de comprendre pleinement le sens des développements techniques réalisés.
Clément a expliqué que sa motivation première était de retrouver le sens d’une action concrète. Son entreprise, Arkéale, développe et commercialise une solution innovante de recyclage des déchets alimentaires intégrable en milieu urbain. Cette solution, sous la forme d’un réacteur biologique compact, produit du gaz naturel et de l’engrais organique.
Interrogé sur le choix de la qualité de société à mission, Clément a souligné l’importance de partager des valeurs au quotidien. Sa décision s’est forgée sur la volonté de concevoir une solution efficace en milieu urbain pour la méthanisation et le compost, qui répondrait aux conséquences des obligations futures à recycler les biodéchets à partir de 2024.
Au-delà de la conception technique, l’objectif d’Arkéale était d’attirer des salariés passionnés non seulement par la technologie, mais aussi par l’utilité environnementale et sociale du projet. Arkéale répond ainsi aux besoins dans les domaines environnementaux, énergétiques (production de gaz naturel et d’électricité), et sociaux (réduction des coûts énergétiques).
Olivier MEYER, fondateur du centre culinaire Kuirado et coopérateur de Kooma, le pôle restauration de la Manufacture des Tabacs « de la fourchette à l’assiette », une expérience partagée dans la création d’une société à mission.
Interrogé sur le choix de transformer son entreprise en société à mission, Olivier a expliqué que la démarche visait à donner davantage de sens à son activité dans le domaine de la restauration. Il a souligné la pertinence de cette transformation pour refléter les enjeux sociaux et environnementaux croissants dans le secteur.
Olivier a souligné que la qualité de société à mission facilite le passage de l’intention à l’action. Cela se traduit par la définition de projets, d’objectifs, d’un calendrier, de responsabilité, et par la déclinaison de la mission à tous les niveaux de l’entreprise. Il a mis en avant la mission comme un outil concret d’aide à la décision, renforçant l’adhésion des collaborateurs au projet singulier de l’entreprise.
Les témoignages de Clément CARRATO et Olivier MEYER ont illustré comment la qualité de société à mission peut être un catalyseur pour les entrepreneurs cherchant à donner un sens plus profond à leurs activités tout en répondant aux enjeux sociaux, environnementaux, et économiques de notre époque. Ces témoignages ont mis en lumière la transition en cours vers des entreprises plus engagées et responsables.
Conduite du changement et retour d’expérience
Dans cette partie de la table-ronde, Joël MISSLIN, avocat en droit social chez Barthélémy Avocats et ancien président du CJD Alsace, ainsi que Nicolas HEINTZ, chargé de projets chez Initiatives Durables, ont partagé leurs retours d’expérience sur la conduite du changement dans une organisation qui souhaite obtenir la qualité de société à mission.
Les enseignements d’une commission « Entreprise à Mission »
Joël a animé une commission au sein du Centre des Jeunes Dirigeants de Strasbourg sur la « société à mission ». Il a partagé les enseignements tirés de cette commission, mettant en évidence l’évolution juridique et les implications pratiques de ce nouveau concept.
Il a évoqué l’utilisation d’outils tels que l’Ikigai, méthode bien connue du développement personnel, pour définir sa raison d’être, et le modèle de la « perma-entreprise » qui applique les principes de la permaculture à l’entreprise. Ces outils visent à aider les entreprises à définir leur mission de manière holistique et à la mettre en œuvre de manière durable.
Joël a souligné l’importance des visites inspirantes et des échanges d’expériences entre dirigeants d’entreprises impliquées dans la RSE et la société à mission. Ces interactions permettent de partager des bonnes pratiques, d’apprendre des réussites et des échecs des autres, et d’inspirer des approches innovantes.
Nicolas a partagé son expérience d’accompagnement d’entreprises dans la mise en place de démarches de responsabilité sociétale (RSE) et de démarches « transformatives » telles que celle de la société à mission.
Il a présenté des retours d’expérience de membres du réseau Initiatives Durables qui ont entrepris des démarches de transformation de leur modèle économique. Il a souligné que la société à mission n’est pas une finalité en soi, mais plutôt un commencement : le début de la façon dont une entreprise fait vivre sa mission au quotidien.
Il a mis en avant l’importance de l’engagement quotidien dans la mission et la nécessité d’une évaluation régulière pour répondre à la question : comment faire vivre la mission au quotidien ?
La conduite du changement vers la qualité de société à mission implique de faire aboutir un projet commun aux parties internes et externes de l’entreprise (par des outils comme l’ikigai ou la perma-entreprise), et l’importance d’un engagement quotidien et d’une évaluation continue pour donner vie à la mission de manière tangible et durable. Ces témoignages ont apporté des perspectives concrètes sur les étapes à suivre et les défis à anticiper dans le processus de transformation vers une entreprise à mission.
Enjeux, changements et retour d’expérience
Bruno CHIBANE, fondateur de la société Chic Médias, une agence de création de contenus éditoriaux et graphiques dans le domaine de la presse, de l’édition, et de la communication en Alsace, est actuellement engagé dans le processus de demande de qualité de société à mission.
Bruno a partagé les étapes en cours de la demande de la qualité de société à mission pour Chic Médias, son entreprise éditrice des magazines ZUT et NOVO. Interrogé sur la raison de la transformation de Chic Médias en société à mission, Bruno a souligné l’importance de donner davantage de sens à son activité éditoriale. Il a expliqué que cette démarche s’inscrit dans une volonté de refléter les valeurs sociales et environnementales croissantes au sein de son secteur d’activité.
Bruno a précisé les enjeux et les préoccupations qui accompagnent ce processus de transformation. Il a évoqué les défis spécifiques liés à son secteur d’activité et les ajustements nécessaires pour aligner la mission de Chic Médias avec les aspirations sociales et environnementales. Bruno a souligné que le processus de transformation en société à mission permettrait à Chic Médias d’insuffler davantage de sens et de cohérence dans ses activités éditoriales. Cette démarche vise à positionner l’entreprise comme un acteur engagé et responsable au sein de son écosystème.
Des ressources pour aller plus loin …
Plébiscitée dans un contexte de dynamisation d’un entrepreneuriat porteur de sens et de critique de la mise en œuvre des politiques RSE, nos partenaires apportent des clefs de compréhension pour mieux comprendre la qualité de la société à mission. Ainsi, Gestion&Stratégies vous propose deux fiches pédagogiques à télécharger :
Créer une société à mission (Gestion & Stratégies – Auditoria)
Devenir une société à mission (Gestion & Stratégies – Auditoria)